Maintenant, qu'en est-il de gongfu?

Ce terme dont la signification est communément restreinte aux arts martiaux couvre une étendue beaucoup plus vaste d'activités.

En fait, tombe sous l'appellation de " gongfu " toute activité soutenue dans le temps et menée dans le but de s'améliorer.

Il serait plus juste de parler d'une façon particulière d'approcher ce que l'on fait dans la vie et avec quel objectif. Par ce terme, nous faisons davantage référence à une question d'attitude et de contexte d'exécution d'une activité qu'à celle-ci comme telle.

Les implications sous-jacentes comprennent un effort soutenu de la volonté, de la discipline, de la régularité et de la persévérance. Une qualité de présence à ce que l'on fait et une attitude de disponibilité, de réceptivité font également partie des éléments importants à cultiver. Comme dans tout art, le temps constitue un facteur essentiel de l'apprentissage.

Avec gong, nous avons couvert les deux premières parties de l'idéogramme gongfu. La troisième représente un homme, un travailleur. Nous obtenons alors pour l'ensemble de de ce caractère la signification d'un travailleur qui se dédie au raffinement de son endurance et à l'accroissement de ses capacités (physiques, morales, intellectuelles et spirituelles.

Les principes animant le gongfu peuvent sous-tendre des champs d'intérêts aussi divergents que les arts et métiers, la philosophie et la spiritualité, la médecine et les arts martiaux. Nous dirons spécifiquement ici " gongfu wushu " pour parler de la réalisation de l'homme au travers des arts de combat.

Étant donné que la pratique des arts martiaux chinois requiert beaucoup de patience, d'énergie et de temps, nous pouvons maintenant comprendre pourquoi il sont communément appelés gongfu. Dans la culture traditionnelle, ceux-ci marchaient main dans la main avec la médecine et la recherche spirituelle. Le gongfu martial (wushu) se devait dabord d'être sain pour le corps (yang sheng - terme sur lequel nous reviendrons) et la médecine capable de soutenir des êtres pour faire face au combat de la vie.

Dans ce contexte culturel d'intégration, l'idéal du gongfu prenait une coloration particulière très bien exprimée dans cette traduction personnelle d'un extrait tiré du livre " Chinese Healing Arts - Internal Kung Fu " de William R. Berk:

" Le terme kung fu signifie ... s'exercer physiquement, l'art de l'exercice du corps appliqué à la prévention ou au traitement de la maladie; les postures particulières dans lesquelles se tiennent certains taoïstes; voulant dire " travail fait ".

Le kung fu a très tôt été adopté pour éloigner et guérir la maladie, pour renforcer le corps, prolonger la vie et la rendre plus heureuse; ce pour quoi il fut déclaré un système efficace et reconnu pour aller très loin dans ce domaine.

C'est au maintien de cette proportionnalité, cet espèce d'équilibre statique, physique, chimique et intellectuel, que la volonté, ce pouvoir moral humain, et les actes par lesquels elle se manifeste , doit tendre incessamment. Le kung fu fut institué avec cet objectif. Il est chargé du maintien et du rétablissement de toutes les parties du corps et de ses facultés dans leur condition d'unité et d'harmonie primitive entre elles et avec l'âme, de façon à ce que l'âme puisse avoir à sa disposition un serviteur puissant et fiable pour l'exécution de sa volonté.

En d'autres mots, et de la Notice d'Amiot [datant de 1779], le kung fu est un " réel exercice de religion, lequel, en soignant le corps de ses infirmités, libère l'âme de la servitude des sens " et lui donne le pouvoir d'accomplir ses devoirs sur la terre et de s'élever librement vers la perfection et la perpétuité de sa nature spirituelle dans le Tao, la raison du grand pouvoir créateur. Ainsi, le kung fu, dans son institution primitive, apparaît comme un rappel de l'Arbre de Vie, vers lequel les humains des premiers jours sont venus après leur travail, pour abriter leurs forces et leur santé et pour conserver leurs âmes, encore pures, un instrument docile de leur volonté."