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Le cong-fu des bonzes

Lorsque le Père Jean Joseph-Marie Amyot fait publier à Paris en 1779 son mémoire concernant l'histoire, les sciences, les moeurs, les usages des Chinois, il consacre un important chapitre au "cong-fou des bonzes de Tao-Ssè".

Il s'agit, on s'en doute, de la méthode de réalisation (cong-fou ou kung-fu) des praticiens (bonzes) du Tao (Tao-Ssè), une forme de gymnastique énergétique taoïste connue en Chine sous le nom spécifique de dao yin (tao-yin), que l'on nommera plus tard "gymnastique chinoise" ou "gymnastique taoïste" ou même "yoga chinois".

Cong-fu fut donc probablement le premier terme utilisé en Occident pour designer une pratique de santé chinoise et ce, dès le règne de Louis XV. Le cong-fu fut également certainement pratiqué bien avant toutes les autres disciplines orientales et extrême-orientales que sont le jujutsu, le judo, le karate et même le yoga.

 

Le Père Amyot

Né a Toulon en 1718, il est arrivé à Canton en 1750. Il fut mathématicien, astronome, vicaire apostolique et écrivain, mais aussi fait mandarin par l'Empereur de Chine et demeura près de quarante-deux ans à Pékin, où il décéda en 1793. Lorsque le Père Amyot vivait en Chine, le fameux cong-fou faisait encore officiellement partie de la médecine chinoise classique telle qu'elle était enseignée et pratiquée dans l'enceinte même du Palais Imperial.

Amyot ayant constaté de visu l'effet de cette pratique sur des malades, il fut tenté de la proposer pour soulager les malades occidentaux qui devaient souvent se contenter de lavements et de saignées. Voila ce qu'il affirmait dans son mémoire:

" Le cong-fou a réellement tous les caractères d'une antique méthode scientifique. Cette assertion curieuse est appuyée de raisons qui nous ont fait imaginer de proposer aux physiciens et aux médecins de l'Europe d'examiner si la partie médicate du cong-fou des Tao-Ssê est réellement une pratique de médecine dont on peut tirer parti pour le soulagement et la guérison de quelques maladies. Si cela était, nous nous croirions bien dédommagés de la peine que nous avons eue à nous mettre au fait d'une matiêre aussi ennuyeuse pour une personne de notre état et si étrangère à nos études et à nos préoccupations.

Nous fussions-nous trompés dans nos conjectures, nous ne croirions pas avoir à rougir d'une méprise qu' on ne doit imputer qu' à notre sensibilité aux maux qui affligent la vie des hommes et à notre amour pour la patrie. Il semble que le cong-fou ait été un moment à la mode à la Cour, comme curiosité de salon - ce qu' il demeure encore parfois - puis ait été malencontreusement oublié."

Les descriptions du Père Amyot sont si précises que l'on y trouve des mouvements pour dégager la poitrine, contre l'asthme, les embarras d'estomac, les maux de coeur, les vertiges et les éblouissements, les pesanteurs de tête et les assoupissements, les douleurs dans les genoux, les sueurs froides, les insomnies et les problêmes intestinaux...

Source:
Georges Charles, Gymnastique suédoise et Cong-fu des bonzes, dans Génération Tao, No. 25, Été 2002, Les Éditions du Tao, Paris, France, pp. 38-39.